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La Corée, un Orient autrement extrême
Essai de géopoétique

Par Frédéric Boulesteix
Atelier des Cahiers, Collection Essais, 2015, 328 pages

Frédéric Boulesteix (1959-2004) était un grand connaisseur de la Corée et un spécialiste des représentations françaises de ce pays. Emporté trop tôt par la maladie, il nous a laissé un projet de livre qui a dormi dix ans dans ses archives avant d’être redécouvert. Cet essai de géopoétique n’a rien perdu de son actualité et les articles qui le composent entrent parfaitement en résonnance avec les années croisées France-Corée que nous célébrons en 2015-2016.

Le corps de l’ouvrage devait se composer de dix articles écrits entre 1987 et 2000 et publiés dans diverses revues, évoquant des sujets en relation directe avec la Corée, et plus particulièrement avec sa représentation ou encore avec les rapports qu’elle entretient avec une culture occidentale regardante. On y rencontrera des articles présentant des thématiques croisées qui participent aux jeux des inter-représentations : images transversales et symbolisme de l’espace (ville, montagne, paysage), pouvoir de la géomancie et de la peinture, images des vêtements et des foules, originalité géopolitique de la péninsule, mais aussi de la coréanité et des altérités qu’elle propose, etc… L’ensemble répond à un souci évident de pluridisciplinarité. Il tente de relever, dans le cadre d’une culture largement influencée par la mondialisation actuelle des pratiques identitaires, l’évidente singularité de la péninsule coréenne et l’originalité que peut mettre en avant sa confrontation avec elle-même tout autant qu’avec les mondes extérieurs qu’elle fréquente de plus en plus.

Sommaire détaillé

Le mot de l’éditeur – contexte de l’édition de ce manuscrit posthume
Présentation de l’auteur
Introduction

1/ “Quelques images de Séoul dans les récits des voyageurs français au début du XXe siècle”
Cet article présente les premières représentations qui ont été données de Séoul par les voyageurs français à partir de 1888. Il s’agit d’un travail thématique qui évoque à travers de nombreux témoignages la capitale coréenne à partir de points de vue très différents (la situation de la ville au cœur des montagnes, les murailles, l’ambiance des rues, la vie nocturne, les marchés, etc…) et à travers certaines stratégies “exotisantes” de figuration : la féminisation, l’infantilisation… Nous tentons donc ici de montrer en quoi le “discours” de voyage et la description participent aux stratégies de domination du monde par l’Occident au début du XXe siècle. Cet article permet aussi de retrouver au niveau historique et géographique (mais aussi anthropologique) les rythmes aujourd’hui nostalgiques d’une capitale alors en mutation, laquelle s’offre à l’ouverture du siècle tout en livrant le plus profond de son âme à une certaine acculturation.

Vous pouvez lire la suite sur le site de l’Atelier des Cahiers

Le portrait de Kojong par Joseph de La Nézière
(1902)

par Francis Macouin

À partir de la fin du XIXe siècle maints peintres français ont parcouru le monde et pris pour sujet les paysages, les monuments, les gens et les mœurs « exotiques ». Cette attitude n’est certes pas sans relation avec la forte expansion coloniale, de la France et de quelques autres pays européens, tant en Afrique qu’en Asie. Ces « peintres voyageurs » ont souvent trouvé des facilités de transport et de séjour auprès des autorités administratives en charge des colonies et des protectorats. Leur activité a aussi été soutenue par l’achat de leurs œuvres et ils ont reçu des commandes officielles dans une optique de valorisation de la politique coloniale française.
C’était le cas des artistes regroupés au sein de la Société des peintres orientalistes français, fondée en 1893 et plus ou moins contrôlée par le ministère des Colonies. L’un de ses membres était Joseph de La Nézière. Ses relations avec l’Afrique du Nord, en particulier le Maroc où il mourut en 1944, sont les plus étroites mais il voyagea souvent et alla plusieurs fois en Asie. Cela lui procura l’occasion de visiter Séoul en 1902.

 

Vous pouvez lire la suite en téléchargeant l’article dans le fonds de ressources numériques du Réseau des études sur la Corée (RESCOR)

 

 

 

 

Le portrait de Kojong par Joseph de La Nézière
(1902)

par Francis Macouin

À partir de la fin du XIXe siècle maints peintres français ont parcouru le monde et pris pour sujet les paysages, les monuments, les gens et les mœurs « exotiques ». Cette attitude n’est certes pas sans relation avec la forte expansion coloniale, de la France et de quelques autres pays européens, tant en Afrique qu’en Asie. Ces « peintres voyageurs » ont souvent trouvé des facilités de transport et de séjour auprès des autorités administratives en charge des colonies et des protectorats. Leur activité a aussi été soutenue par l’achat de leurs œuvres et ils ont reçu des commandes officielles dans une optique de valorisation de la politique coloniale française.
C’était le cas des artistes regroupés au sein de la Société des peintres orientalistes français, fondée en 1893 et plus ou moins contrôlée par le ministère des Colonies. L’un de ses membres était Joseph de La Nézière. Ses relations avec l’Afrique du Nord, en particulier le Maroc où il mourut en 1944, sont les plus étroites mais il voyagea souvent et alla plusieurs fois en Asie. Cela lui procura l’occasion de visiter Séoul en 1902.

 

Vous pouvez lire la suite en téléchargeant l’article dans le fonds de ressources numériques du Réseau des études sur la Corée (RESCOR)

 

 

 

 

Le Labex Arts H2H, laboratoire d’excellence des Arts et médiations humaines invite un musicien sud-coréen, Kim Dong-won sur une de ses chaires internationales durant le mois d’octobre 2015. A cette occasion, il accueille également le professeur Lee Chan-woong de l’université féminine d’Ewha (Séoul). Fort de ses partenariats avec la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord et avec l’Idéfi CréaTIC, le Labex Arts-H2H est heureux de vous inviter aux événements artistiques et académiques qui se dérouleront en différents lieux durant ce mois d’octobre 2015.

 

PROGRAMME OCTOBRE LABEX CHAIRE INTERNATIONALE. -1

Le Labex Arts H2H, laboratoire d’excellence des Arts et médiations humaines invite un musicien sud-coréen, Kim Dong-won sur une de ses chaires internationales durant le mois d’octobre 2015. A cette occasion, il accueille également le professeur Lee Chan-woong de l’université féminine d’Ewha (Séoul). Fort de ses partenariats avec la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord et avec l’Idéfi CréaTIC, le Labex Arts-H2H est heureux de vous inviter aux événements artistiques et académiques qui se dérouleront en différents lieux durant ce mois d’octobre 2015.

 

PROGRAMME OCTOBRE LABEX CHAIRE INTERNATIONALE. -1

 

Introduction

Marcel Giuglaris (1922-2010), journaliste, correspondant de guerre en Asie, a couvert notamment les conflits de Corée et d’Indochine. Son travail est marqué par une forte affinité avec le Japon, où il résida longtemps

Mme Sonia Giuglaris a fait don des archives de son mari relatives à la Corée au CRC en 2012 (convention signée le 21 octobre 2012). Le fonds se répartissait dans 4 cartons, livrés par avance en octobre 2011 et stockés à la maison de l’Asie en attente de traitement.

Laurent Quisefit a bénéficié en 2013 d’un contrat post-doctoral aux fins d’inventaire et de valorisation de ce fonds.

Sommaire

  1. Marcel Giuglaris, une vie pour l’Orient.

  2. Descriptif du fonds

  3. Tâches à prévoir

  4. Fiche synoptique : Marcel Giuglaris

  5. Cahier de cotes

1 . Marcel Giuglaris, une vie pour l’Orient.

Journaliste et écrivain, Marcel Giuglaris a aussi touché aux arts du spectacle, et au cinéma. Sa carrière représente un parcours complexe, non linéaire, qui touche à de nombreux domaines. Cependant, on note la profonde cohérence de son intérêt pour la Corée, dont il suit l’actualité depuis la guerre de Corée (1952) jusqu’aux années 1990, notamment à travers une veille documentaire marquée par des dossiers de coupures de presse.

Directeur (1947-49) de la troupe de théâtre Percy (nô japonais), Journaliste (à partir de  1949), collabore à l’Opinion puis à l’Information (1949-51), réside en Extrême-Orient (1951-82), et couvre, en qualité d’envoyé spécial et de correspondant permanent de Paris-Presse puis de France-Soir et d’Europe N°1 tous les pays d’Extrême-Orient. Délégué d’Unifrance film au Japon et en Extrême-Orient (1958-1982), il est ensuite correspondant du Point, du Figaro (1974-1982) et de la Radio Suisse romande (1958-1982), Président-directeur général de Hachette-Japon (1979-1983), Président (1982-94), Président d’honneur (depuis 1994) de Japac.

Il a effectué plusieurs séjours en Corée, comme reporter pour Paris-Presse, Radio Lausanne et Europe no 1.

Lire la suite sur les Carnets du Centre Corée.

 

Introduction

Marcel Giuglaris (1922-2010), journaliste, correspondant de guerre en Asie, a couvert notamment les conflits de Corée et d’Indochine. Son travail est marqué par une forte affinité avec le Japon, où il résida longtemps

Mme Sonia Giuglaris a fait don des archives de son mari relatives à la Corée au CRC en 2012 (convention signée le 21 octobre 2012). Le fonds se répartissait dans 4 cartons, livrés par avance en octobre 2011 et stockés à la maison de l’Asie en attente de traitement.

Laurent Quisefit a bénéficié en 2013 d’un contrat post-doctoral aux fins d’inventaire et de valorisation de ce fonds.

Sommaire

  1. Marcel Giuglaris, une vie pour l’Orient.

  2. Descriptif du fonds

  3. Tâches à prévoir

  4. Fiche synoptique : Marcel Giuglaris

  5. Cahier de cotes

1 . Marcel Giuglaris, une vie pour l’Orient.

Journaliste et écrivain, Marcel Giuglaris a aussi touché aux arts du spectacle, et au cinéma. Sa carrière représente un parcours complexe, non linéaire, qui touche à de nombreux domaines. Cependant, on note la profonde cohérence de son intérêt pour la Corée, dont il suit l’actualité depuis la guerre de Corée (1952) jusqu’aux années 1990, notamment à travers une veille documentaire marquée par des dossiers de coupures de presse.

Directeur (1947-49) de la troupe de théâtre Percy (nô japonais), Journaliste (à partir de  1949), collabore à l’Opinion puis à l’Information (1949-51), réside en Extrême-Orient (1951-82), et couvre, en qualité d’envoyé spécial et de correspondant permanent de Paris-Presse puis de France-Soir et d’Europe N°1 tous les pays d’Extrême-Orient. Délégué d’Unifrance film au Japon et en Extrême-Orient (1958-1982), il est ensuite correspondant du Point, du Figaro (1974-1982) et de la Radio Suisse romande (1958-1982), Président-directeur général de Hachette-Japon (1979-1983), Président (1982-94), Président d’honneur (depuis 1994) de Japac.

Il a effectué plusieurs séjours en Corée, comme reporter pour Paris-Presse, Radio Lausanne et Europe no 1.

Lire la suite sur les Carnets du Centre Corée.

Le terrain en Corée du Nord ou la retombée en enfance des sciences sociales

Par Valérie Gelézeau (EHESS)

 

Ce dont nous ont convaincus plus de vingt ans d’approches critiques des anthropologues et des ethnologues sur leurs objets, et qui est encore démontré avec beaucoup de force actuellement en géographie culturelle (voir par exemple le numéro spécial que les Annales de géographie ont consacré à cette question en 2012), c’est que le terrain n’est jamais ni objectif, ni transparent ; que les faits collectés sont toujours des reconstructions et des interprétations, mêmes les plus apparemment neutres, et que ce que l’on peut en retirer se situe peut-être en particulier dans les interstices et/ou les détours. Le terrain n’est donc pas une chose dans un espace à découvrir, mais un processus bien plus complexe, qui se déploie aussi dans le temps, et qui engage le chercheur lui-même.

Pourtant, malgré tout ce travail d’approche critique, la question de « faire du terrain » en Corée du Nord en reste à une forme de préhistoire : « faire du terrain » en Corée du Nord est considéré comme impossible par la sagesse populaire qui déborde jusque dans les cercles scientifiques. Il est admis « qu’on ne peut rien voir » dans ce pays (expression canonique que je cite pour l’avoir entendue de nombreuses fois avant de partir alors que je préparais les voyages). Comme s’il y avait une « réalité » à voir ou à découvrir en Corée du Nord et non des processus sociaux à essayer de décrypter, comme si nous étions des explorateurs devant un espace à conquérir et non des géographes ou des chercheurs devant des faits à interpréter. Bref, la Corée du Nord a ceci de particulier qu’elle nous fait retomber dans une forme de positivisme qui appartient à l’enfance des sciences sociales.

Il est vrai que la Corée du Nord apparaît irréductible au « pacte du terrain » que décrit Y. Calbérac et dont il rappelle la proximité avec le « pacte autobiographique » analysé par Philippe Lejeune – Calbérac 2010 : 311-314. Comment peut-on mettre en place les dispositifs d’un « pacte de terrain » en n’ayant aucune liberté pour construire « son terrain » justement ? En étant incapable de circuler tout à fait librement ? Si « les enjeux de cette mobilisation du terrain sont de faire accroire la véracité des observations faites sur le terrain et dans le même temps d’attester les analyses présentées qui en découlent » (Calbérac 2010 : 88), comment peut-on faire du terrain au « Pays du grand mensonge », comme l’a qualifié le journaliste Philippe Grangereau (2003) – convoquant les habituelles images d’un « Jurassic Park du communisme » (Quétel 2012 : 201) ?

Je développe dans le dernier chapitre de mon essai d’habilitation Corée, Corées. Pour une géographie située de la division les problèmes posés par cette « orientalisation » de la Corée du Nord et la moralisation dans laquelle s’enferment la plupart des discours concernant ce pays (Gelézeau 2012 : 67-99) – ce qui va précisément dans le sens de ce que diffuse la parole officielle du régime en direction de l’étranger. C’est peut-être cet enfermement, pris au piège des images officielles de la dictature, qui fait que la recherche sur la Corée du Nord en est encore au balbutiement méthodologique qui ne va pas plus loin que le constat limité de la difficulté d’accès au matériaux et la non-fiabilité des sources.

Pour briser cette barrière, un numéro récent (2013) de Area, la revue britannique de la Royal Geographical Society s’avère tout à fait utile. Les auteurs discutent des difficultés particulière de terrains en « contexte de fermeture » (« Field methods in ‘closed context’ – undertaking research in authoritarian states and places »), c’est-à-dire dans des pays et des espaces « autoritaires », non libres sur le plan politique. La Corée du Nord, le Kazakhstan, un univers carcéral dans n’importe quelle démocratie, ou encore bien d’autres espaces caractérisés par la surveillance et la restriction des mouvements des chercheurs définissent selon Nathalie Koch et Michael Gentile, les auteurs de ce numéro spécial, les « contextes fermés » (closed contexts) – expression qui reprend les termes du géographe David Harvey dans Space of Hope (2000) tout en s’inscrivant dans un cadre d’analyse foucaldien. Tout en démystifiant l’unicité de la Corée du Nord, cette série de courts articles illustre, en les objectivant mais sans les essentialiser (car il s’agit d’analyser des types de situations de terrain), certaines des caractéristiques de la recherche dans ces pays ou espaces.

C’est en me plaçant dans cette perspective que je tente d’interpréter aujourd’hui deux expériences de terrain en Corée du Nord (2007 et 2013), par la discussion systématique de trois aspects de ces missions scientifiques (discutant d’ailleurs le vocabulaire-même qui les désigne, selon les acteurs concernés) :

  1. La politique de l’organisation du terrain avant le voyage et jusqu’à l’élaboration du programme ;
  2. La pratique du terrain pendant le voyage, marquée par la rencontre entre la surveillance du corps collectif de la délégation des chercheurs étrangers par les « organes » officiels (the organs selon les termes de M. Gentile 2012) ;
  3. Le problème de la restitution d’une telle mission scientifique, qui m’a d’ailleurs fait plus spécifiquement travailler la question de l’usage des photographies de terrain.

En présentant ces réflexions encore en cours au dernier colloque de l’AKSE (Association for Korean Studies in Europe), dans une communication intitulée « Problems of landscape interpretation : the fieldwork paradox in North Korea », j’ai ainsi choisi d’exposer les conditions de la recherches (en les mettant en scène justement), tout en établissant une distance explicite (avec des photos lourdement et explicitement retouchées en effet croquis) – voir ci-dessous le lien vers le texte complet avec illustrations déposé sur HAL-SHS. Ce stratagème d’exposition a été pour moi une manière visuelle de poser la question : les deux voyages de 2007 et de 2013 en Corée du Nord peuvent-ils s’apparenter à du terrain ?

Sans doute pas si on considère le terrain sous l’angle phénoménologique d’une découverte à exposer. Certainement oui, si l’on considère le terrain dans sa dimension cognitive, comme un espace et des réseaux construits par le chercheur – et un processus qui permet, non pas le constat des limites habituellement recensées, mais un espace de médiation et de discussion toujours en progrès sur des enjeux posés par les problèmes d’un terrain en « contexte fermé » – ce qui, bien entendu implique de développer une discussion de fond sur la question de l’éthique.

Car pénétrer en Corée du Nord, c’est être en effet confronté directement à la violence du système, fût-ce de manière feutrée, mais surtout risquer d’être instrumentalisé par le système totalitaire. Mais éviter le pays contribue à son isolement, à son enfermement, à la fabrication de cet « anti-monde » qu’est aujourd’hui la Corée du Nord, contribuant sans doute à faire le jeu du système.

Cela fait plus de vingt ans que les sciences humaines et sociales ont abandonné l’illusion de cette entreprise totalitaire qu’est le terrain (Mondher Kilani 1994) ; il est temps de lâcher prise et d’abandonner pour la Corée du Nord aussi cette illusion. C’est la première condition qui permettra de tirer les études nord-coréennes d’une préhistoire méthodologique prisonnière, non seulement des limites d’un « contexte fermé », mais d’une conception orientalisante et moralisante de tout ce qui touche à la Corée du Nord.

Pour en savoir plus, lire aussi le texte illustré de la communication :

Valérie GELÉZEAU, «Problems of landscape interpretation: the fieldwork paradox in North Korea» , communication présentée à la 27e conférence de l’AKSE, Bochum, 12 juillet 2015, en ligne sur HAL-SHS

Références citées

  • AGIER Michel (dir.), 1997, Anthropologues en danger. L’engagement sur le terrain. Paris, Jean-Michel Place.
  • BESTOR Theodore, STEINHOFF Patricia, LYON BESTOR Victoria (eds), 2003, Doing fieldwork in Japan. Honolulu, University of Hawai’I Press
  • BLANCKAERT Claude (dir.), 1996, Le terrain des sciences humaines. Instructions et enquêtes (XVIIe-XXe s.). Paris, L’Harmattan.
  • CALBÉRAC Yann, 2010, Terrains de géographes, géographes de terrain. Communauté et imaginaire disciplinaires au miroir des pratiques de terrain des géographes français du 20e siècle, thèse de doctorat en géographie, I. Lefort dir., Université Lumière Lyon 2.
  • CEFAÏ Daniel (dir.), 2010, L’engagement ethnographique. Paris, éditions de l’EHESS.
  • CEFAI Daniel, 2003, « Postface », in L’enquête de terrain (dir. D. Cefaï), Paris, La Découverte, pp. 465-615
  • COLLIGNON Béatrice, 2010, « L’éthique et le terrain », L’information géographique (2010-1), Vol. 74, p. 63-83.
  • COLLIGNON Béatrice et RETAILLÉ Denis (dir.), 2010, numéro spécial « Le terrain », L’information géographique.
  • DE CEUSTER Koen and BREUKER Remco, 2012, Introduction to Leiden INK and Leiden Initiative on Northern Korea, a Mission Statement, conference documents. See about Leiden InK: http://research.leiden.edu/research-profiles/amt/archive/20-sept-2012.html (consulté le 6 juin 2015).
  • DESCOLA Philippe, 1994, Les lances du crépuscule. Paris, Plon.
  • GELÉZEAU Valérie, 2014, « Voyager en ignorance, voisiner en connivence. Le terrain d’une géographe française en Corée», Croisements. Revue francophone de sciences humaines d’Asie de l’Est, n°4, p. 110-127. [https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01140510]
  • GELEZEAU Valérie, 2012, Corée, Corées. Pour une géographie située de la division. Essai de synthèse de l’habilitation à diriger des recherches. Paris, InaLCO.
  • GENTILE Michael, 2013, « Meeting the ‘organs’. The tacite dilemma of fieldresearch in authoritarian State, Area, march 2013. doi: 10.1111/area.12030
  • GRANGEREAU Philippe, 2003, Au pays du grand mensonge : voyage en Corée du Nord. Paris, Payot.
  • GUILLEMOZ Alexandre, 2010, La chamane à l’éventail. Paris, Imago.
  • HOUSSAY-HOLZSCHUCH Myriam, 2008, « Géographies de la distance : terrains sud-africains », in Thierry Sanjuan dir., Carnets de terrain. Pratique géographique et aires culturelles. Paris, L’Harmattan, p. 181-195.
  • Mondher KILANI, 1994, « Du terrain au texte », Communication n°58, p. 45-60.
  • KOCH Nathalie, 2013, « Introduction. Field methods in ‘closed context » : undertaking research in  authoritarian states and spaces”, Area, may 2013. doi: 10.1111/area.12044
  • LABUSSIERE Olivier et ALDHUY Julien, 2012, « Le terrain ? C’est ce qui résiste. Réflexion sur la portée cognitive de l’expérience sensible en géographie » Annales de géographie, 2012-5, n°687-688, p. 583-599.
  • MORELLE Marie et Fabrice RIPOLL, 2009, « Les chercheur-es face aux injustices : l’enquête de terrain comme épreuve éthique », Annales de géographie, n°665-666, p. 157-168.
  • OPPENHEIM Robert, 2011b, « Introduction to the JAS Mini-Forum « Regarding North Korea », Journal of Asian Studies, n°2, volume 70, May 2011, pp. 333-335.
  • QUÉTEL Claude, 2011, Murs. Une autre histoire des hommes. Paris, Perrin.
  • VOLVEY Anne, CALBÉRAC Yann et HOUSSAY-HOLZSCHUCH Myriam (dir.), 2012, « Terrains de je. (Du) sujet (au) géographique », Annales de géographie, n°1, 2012-5, n°687-688, p. 5-23. Voir également l’ensemble de ce numéro spécial consacré au terrain en géographie
  • WACQUANT Loïc, 2003,  “Ethnografeast. A progress report on the practice and promise of ethnography”, Ethnography, 2003 n°4, p. 5-14.

 

Source : Carnets du Centre Corée

Le terrain en Corée du Nord ou la retombée en enfance des sciences sociales

Par Valérie Gelézeau (EHESS)

 

Ce dont nous ont convaincus plus de vingt ans d’approches critiques des anthropologues et des ethnologues sur leurs objets, et qui est encore démontré avec beaucoup de force actuellement en géographie culturelle (voir par exemple le numéro spécial que les Annales de géographie ont consacré à cette question en 2012), c’est que le terrain n’est jamais ni objectif, ni transparent ; que les faits collectés sont toujours des reconstructions et des interprétations, mêmes les plus apparemment neutres, et que ce que l’on peut en retirer se situe peut-être en particulier dans les interstices et/ou les détours. Le terrain n’est donc pas une chose dans un espace à découvrir, mais un processus bien plus complexe, qui se déploie aussi dans le temps, et qui engage le chercheur lui-même.

Pourtant, malgré tout ce travail d’approche critique, la question de « faire du terrain » en Corée du Nord en reste à une forme de préhistoire : « faire du terrain » en Corée du Nord est considéré comme impossible par la sagesse populaire qui déborde jusque dans les cercles scientifiques. Il est admis « qu’on ne peut rien voir » dans ce pays (expression canonique que je cite pour l’avoir entendue de nombreuses fois avant de partir alors que je préparais les voyages). Comme s’il y avait une « réalité » à voir ou à découvrir en Corée du Nord et non des processus sociaux à essayer de décrypter, comme si nous étions des explorateurs devant un espace à conquérir et non des géographes ou des chercheurs devant des faits à interpréter. Bref, la Corée du Nord a ceci de particulier qu’elle nous fait retomber dans une forme de positivisme qui appartient à l’enfance des sciences sociales.

Il est vrai que la Corée du Nord apparaît irréductible au « pacte du terrain » que décrit Y. Calbérac et dont il rappelle la proximité avec le « pacte autobiographique » analysé par Philippe Lejeune – Calbérac 2010 : 311-314. Comment peut-on mettre en place les dispositifs d’un « pacte de terrain » en n’ayant aucune liberté pour construire « son terrain » justement ? En étant incapable de circuler tout à fait librement ? Si « les enjeux de cette mobilisation du terrain sont de faire accroire la véracité des observations faites sur le terrain et dans le même temps d’attester les analyses présentées qui en découlent » (Calbérac 2010 : 88), comment peut-on faire du terrain au « Pays du grand mensonge », comme l’a qualifié le journaliste Philippe Grangereau (2003) – convoquant les habituelles images d’un « Jurassic Park du communisme » (Quétel 2012 : 201) ?

Je développe dans le dernier chapitre de mon essai d’habilitation Corée, Corées. Pour une géographie située de la division les problèmes posés par cette « orientalisation » de la Corée du Nord et la moralisation dans laquelle s’enferment la plupart des discours concernant ce pays (Gelézeau 2012 : 67-99) – ce qui va précisément dans le sens de ce que diffuse la parole officielle du régime en direction de l’étranger. C’est peut-être cet enfermement, pris au piège des images officielles de la dictature, qui fait que la recherche sur la Corée du Nord en est encore au balbutiement méthodologique qui ne va pas plus loin que le constat limité de la difficulté d’accès au matériaux et la non-fiabilité des sources.

Pour briser cette barrière, un numéro récent (2013) de Area, la revue britannique de la Royal Geographical Society s’avère tout à fait utile. Les auteurs discutent des difficultés particulière de terrains en « contexte de fermeture » (« Field methods in ‘closed context’ – undertaking research in authoritarian states and places »), c’est-à-dire dans des pays et des espaces « autoritaires », non libres sur le plan politique. La Corée du Nord, le Kazakhstan, un univers carcéral dans n’importe quelle démocratie, ou encore bien d’autres espaces caractérisés par la surveillance et la restriction des mouvements des chercheurs définissent selon Nathalie Koch et Michael Gentile, les auteurs de ce numéro spécial, les « contextes fermés » (closed contexts) – expression qui reprend les termes du géographe David Harvey dans Space of Hope (2000) tout en s’inscrivant dans un cadre d’analyse foucaldien. Tout en démystifiant l’unicité de la Corée du Nord, cette série de courts articles illustre, en les objectivant mais sans les essentialiser (car il s’agit d’analyser des types de situations de terrain), certaines des caractéristiques de la recherche dans ces pays ou espaces.

C’est en me plaçant dans cette perspective que je tente d’interpréter aujourd’hui deux expériences de terrain en Corée du Nord (2007 et 2013), par la discussion systématique de trois aspects de ces missions scientifiques (discutant d’ailleurs le vocabulaire-même qui les désigne, selon les acteurs concernés) :

  1. La politique de l’organisation du terrain avant le voyage et jusqu’à l’élaboration du programme ;
  2. La pratique du terrain pendant le voyage, marquée par la rencontre entre la surveillance du corps collectif de la délégation des chercheurs étrangers par les « organes » officiels (the organs selon les termes de M. Gentile 2012) ;
  3. Le problème de la restitution d’une telle mission scientifique, qui m’a d’ailleurs fait plus spécifiquement travailler la question de l’usage des photographies de terrain.

En présentant ces réflexions encore en cours au dernier colloque de l’AKSE (Association for Korean Studies in Europe), dans une communication intitulée « Problems of landscape interpretation : the fieldwork paradox in North Korea », j’ai ainsi choisi d’exposer les conditions de la recherches (en les mettant en scène justement), tout en établissant une distance explicite (avec des photos lourdement et explicitement retouchées en effet croquis) – voir ci-dessous le lien vers le texte complet avec illustrations déposé sur HAL-SHS. Ce stratagème d’exposition a été pour moi une manière visuelle de poser la question : les deux voyages de 2007 et de 2013 en Corée du Nord peuvent-ils s’apparenter à du terrain ?

Sans doute pas si on considère le terrain sous l’angle phénoménologique d’une découverte à exposer. Certainement oui, si l’on considère le terrain dans sa dimension cognitive, comme un espace et des réseaux construits par le chercheur – et un processus qui permet, non pas le constat des limites habituellement recensées, mais un espace de médiation et de discussion toujours en progrès sur des enjeux posés par les problèmes d’un terrain en « contexte fermé » – ce qui, bien entendu implique de développer une discussion de fond sur la question de l’éthique.

Car pénétrer en Corée du Nord, c’est être en effet confronté directement à la violence du système, fût-ce de manière feutrée, mais surtout risquer d’être instrumentalisé par le système totalitaire. Mais éviter le pays contribue à son isolement, à son enfermement, à la fabrication de cet « anti-monde » qu’est aujourd’hui la Corée du Nord, contribuant sans doute à faire le jeu du système.

Cela fait plus de vingt ans que les sciences humaines et sociales ont abandonné l’illusion de cette entreprise totalitaire qu’est le terrain (Mondher Kilani 1994) ; il est temps de lâcher prise et d’abandonner pour la Corée du Nord aussi cette illusion. C’est la première condition qui permettra de tirer les études nord-coréennes d’une préhistoire méthodologique prisonnière, non seulement des limites d’un « contexte fermé », mais d’une conception orientalisante et moralisante de tout ce qui touche à la Corée du Nord.

Pour en savoir plus, lire aussi le texte illustré de la communication :

Valérie GELÉZEAU, «Problems of landscape interpretation: the fieldwork paradox in North Korea» , communication présentée à la 27e conférence de l’AKSE, Bochum, 12 juillet 2015, en ligne sur HAL-SHS

Références citées

  • AGIER Michel (dir.), 1997, Anthropologues en danger. L’engagement sur le terrain. Paris, Jean-Michel Place.
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  • WACQUANT Loïc, 2003,  “Ethnografeast. A progress report on the practice and promise of ethnography”, Ethnography, 2003 n°4, p. 5-14.

 

Source : Carnets du Centre Corée

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Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS