Atelier de traduction : 東醫寶鑑 序

Texte original:

醫者雅言軒岐軒岐上窮天紀下極人理宜不屑乎記述而猶且說問著難垂法後世則醫之有書厥惟遠哉上自倉越下逮劉張朱李百家繼起論說紛然剽竊緖餘爭立門戶書益多而術益晦其與靈樞本旨不相逕庭者鮮矣世之庸醫不解窮理或倍經訓而好自用或泥故常而不知變眩於裁擇失其關鍵求以活人而殺人者多矣我昭敬大王以理身之法推濟衆之仁留心醫學軫念民瘼嘗於丙申年間召太醫臣許浚敎曰近見中朝方書皆是抄集庸瑣不足觀爾宜裒聚諸方輯成一書且人之疾病皆生於不善調攝修養爲先藥石次之諸方浩繁務擇其要窮村僻巷無醫藥而夭折者多我國鄕藥多產而人不能知爾宜分類竝書鄕名使民易知浚退與儒醫鄭碏太醫楊禮壽金應鐸李命源鄭禮男等設局撰集略成肯綮値丁酉之亂諸醫星散事遂寢厥後先王又敎許浚獨爲撰成仍出內藏方書五百餘卷以資考據撰未半而龍馭賓天至聖上位之三年庚戌浚始卒業而投進目之曰東醫寶鑑書凡二十五卷上覽而嘉之下敎曰陽平君許浚曾在先朝特承撰集醫方之命積年覃思至於竄謫流離之中不廢其功今乃編帙以進仍念先王命撰之書告成於寡昧嗣服之後予不勝悲感其賜浚太僕馬一匹以酬其勞速令內醫院設廳鋟梓廣布中外且命提調臣廷龜撰序文弁之卷首臣竊念大和一散六氣不調癃殘扎瘥迭爲民災則爲之醫藥以濟其夭死是實帝王仁政之先務然術非書則不載書非擇則不精採不博則理不明傳不廣則惠不布是書也該括古今折衷群言探本窮源挈綱提要詳而不至於蔓約而無所不包始自內景外形分爲雜病諸方以至脈訣症論藥性治法攝生要義鍼石諸規靡不畢具井井不紊卽病者雖千百其候而補瀉緩急泛應曲當蓋不必遠稽古籍近搜旁門惟當按類尋方層見疊出對證投劑如符左契信醫家之寶鑑濟世之良法也是皆先王指授之妙算我聖上繼述之盛意則其仁民愛物之德利用厚生之道可謂前後一揆而中和位育之治亶在於是語曰仁人之用心其利博哉豈不信然矣乎

萬曆辛亥孟夏

Traduction(s)

Découpage et concordance immadiate

Texte original

Traduction

1. 醫者雅言軒[1]岐[2]。

2. 軒岐上窮天紀下極人理。

3. 宜不屑乎記述, 而猶且說問著難。

4. 垂法後世, 則醫之有書厥惟遠哉。

5. 上自倉[3]越[4], 下逮劉[5]張[6]朱[7]李[8], 百家繼起, 論說紛然, 剽竊緖餘, 爭立門戶。

6. 書益多而術益晦。

7. 其與靈樞[9]本旨, 不相逕庭者鮮矣。

8. 世之庸醫, 不解窮理。

9. 或倍經訓而好自用, 或泥故常而不知變。

10. 眩於裁擇, 失其關鍵。

11. 求以活人而殺人者多矣。

 

[1] Xuanyuan軒轅. Plus connu sous le nom de Huangdi ou Empereur jaune.

[2] Qibo岐伯. Le Comte Qi serait l’instructeur de l’Empereur jaune d’après le Huangdi neijing ou Classique interne de l’Empereur jaune. Ce sont deux ancêtres mythiques de la médecine chinoise traditionnelle.

[3] Canggong 倉公, surnom de Chunyu Yi 淳于意 (c. 205 A.C.- ?, dynastie des Han de l’Ouest 西漢).

[4] Qin Yueren秦越人 : appelé aussi Bian Que, qui aurait vécu à l’époque des Royaumes combattants.

[5] Liu Hejian 劉河間 (1120-1200).

[6] Zhang Zihe 張子和(1156-1228).

[7] Zhu Danxi 朱丹溪 (1281-1358).

[8] Li Dongyuan  李東垣 (1180-1251).

[9] Lingshu : compilation en 81 chapitres de textes médicaux anciens (principalement de la dynastie des Han) effectuée sous la dynastie des Song.

1. Les médecins parlent habituellement de Xuanyuan et de Qibo.

2. Xuan et Qi vers le haut scrutent les constellations ; vers le bas examinent à fond les principes humains.

3. Probablement ils n’ont pas daigné écrire, mais déjà ils répondirent à des questions et élucidèrent des difficultés.

4. Leur art s’est transmis et c’est ainsi que des ouvrages médicaux existent depuis longtemps.

5. Depuis Canggong et Qin Yueren jusqu’à Liu Hejian, Zhang Zihe, Zhu Danxi et Li Dongyuan, une centaine d’écoles se succédèrent et les théories sont nombreuses ; elles se plagièrent en surplus et se disputèrent pour établir des sectes.

6. Les ouvrages sont de plus en plus nombreux, mais l’art est de plus en plus obscur.

7. Du sens originel du Pivot merveilleusement efficace, ceux qui ne s’en éloignent pas sont rares !

8. Les médecins ordinaires d’aujourd’hui ne comprennent pas les raisons ultimes.

9. Soit ils tournent le dos aux instructions du Classique[1] et préfèrent leur propres démarches, soit ils s’en tiennent aux anciennes habitudes et ne savent pas s’adapter aux circonstances.

10. Ils ne savent pas faire bon choix et perdent la clef de voûte.

11. Il arrive souvent qu’ils viennent au secours des gens vivants mais les tuent.  

[1] Il s’agit très probablement du Huangdi neijing ou Classique interne de l’Empereur jaune.

 
 

Texte original

Traduction

12. 我昭敬大王以理身之法, 推濟衆之仁。

13. 留心醫學, 軫念民瘼。

14. 嘗於丙申年間, 召太醫臣許浚, 敎曰 :

15.『近見中朝方書, 皆是抄集。

16. 庸瑣不足觀。爾宜裒聚諸方, 輯成一書。

17. 且人之疾病, 皆生於不善調攝。

18. 修養爲先, 藥石次之。諸方浩繁, 務擇其要。

19. 窮村僻巷, 無醫藥而夭折者多。

20. 我國鄕藥多產, 而人不能知。

21. 爾宜分類, 竝書鄕名, 使民易知』。

12. Notre feu vénérable grand roi estimait cet art de soigner les corps comme une humanité pouvant sauver le peuple/monde.

13. Il s’attachait à la médecine et s’inquiétait du dommage public.

14. Jadis, en l’année pyŏngsin (1596), il appela Hŏ Chun, médecin de la cour d’alors, et lui donna l’instruction suivante :

15. « Les livres de médecine, chinois et coréens, récemment parus sont tous des recueils d’extraits.

16. Ordinaires et/ou médiocres, ils ne méritent pas d’être vus. Vous devez réunir les remèdes et compiler un livre.

17. Toutes les maladies de l’homme sont dues au fait qu’il ne soigne pas bien sa santé.

18. La culture du soi est prioritaire et les simples et les pierres la suivent ensuite. Le nombre de recettes est accablant, il faudra sélectionner celles qui sont essentielles.

19. Dans les villages délaissés et les ruelles écartées, il n’y ni médecin ni médicaments et ceux qui meurent prématurément sont nombreux.

20. Notre pays produit un grand nombre de simples vernaculaires et pourtant le peuple ne sait pas les reconnaître.

21. Vous devez donc effectuer des classements, ajouter des noms vernaculaires, de façon à permettre au peuple de les connaître facilement. »

 
 

Texte original

Traduction

22. 浚退與儒醫鄭碏, 太醫楊禮壽, 金應鐸, 李命源, 鄭禮男等, 設局撰集。

23. 略成肯綮, 値丁酉之亂。諸醫星散, 事遂寢。

24. 厥後先王又敎許浚獨爲撰成。

25. 仍出內藏方書五百餘卷, 以資考據。

26. 撰未半而龍馭賓天。

27. 至聖上位之三年庚戌, 浚始卒業而投進。

28. 目之曰東醫寶鑑, 書凡二十五卷。

 

22. Hŏ Chun se retira et, avec le médecin lettré Chŏng Chak et les médecins de Cour Yang Yesu, Kim Ùngt’ak, Yi Myŏngwŏn, Chŏng Yenam, etc., créa un bureau pour compiler le livre.

23. Quand les essentiels furent grosso modo établis, on se trouve face au trouble de l’année chŏngyu (1597). Les médecins se dispersèrent et la tâche fut interrompue.

24. Après [que la situation a été rétablie], feu le roi ordonna à nouveau à Hŏ Chun de compiler tout seul l’ouvrage.

25. Il fit alors sortir plus de cinq cents ouvrages techniques / à recettes de la bibliothèque royale et lui permit ainsi de s’en servir pour vérifier.

26. Le travail de compilation n’étant pas achevé à moitié, feu le roi devint l’hôte du Ciel.

27. A la troisième année du règne de Sa Majesté (1610), l’année kyŏngsul, Hŏ Chun commença à achever le travail et présenta le travail au trône.

28. Il intitula « Miroir du trésor de la médecine de l’Est », l’ouvrage compta 25 volumes.

 

 
 

Texte original

Traduction

29. 上覽而嘉之, 下敎曰 :

30.『陽平君許浚, 曾在先朝, 特承撰集醫方之命, 積年覃思。

31. 至於竄謫流離之中, 不廢其功。

32. 今乃編帙以進。

33. 仍念先王命撰之書, 告成於寡昧嗣服之後, 予不勝悲感』。

34. 其賜浚太僕馬一匹, 以酬其勞。

35. 速令內醫院設廳鋟梓廣布中外。

36. 且命提調臣廷龜撰序文, 弁之卷首。

 

29. Sa Majesté le consulta et l’apprécia, et lui donna l’instruction suivante:

30. « Vous, Hŏ Chun, Seigneur de Yangp’yŏng[1], aviez reçu du règne précédent l’ordre spécial de compiler des recettes médicales et effectué des études approfondies durant plusieurs années.

31. Même réfugié et isolé à la frontière, vous n’avez pourtant pas abandonné la tâche.

32. Aujourd’hui vous achevez enfin la compilation en plusieurs volumes et la présentez au trône.

33. A la pensée que la compilation de l’ouvrage ordonnée par feu le roi ne s’achève qu’après mon accession au trône, je ne peux dominer mes sentiments de tristesse ».

34. Alors il offrit à Hŏ Chun un cheval du Conseil des écuries pour récompenser ses efforts.

35. Tout de suite il donna l’ordre à la Cour des médecins royaux d’établir un bureau, graver en xylographie, diffuser amplement au centre et à l’extérieur.

36. De même il ordonna, à son sujet Yi Chŏnggu, directeur[2], de me charger de rédiger une préface et de la placer en tête du livre.

[1] En 1604, il a été décoré d’un titre de sujet méritant pour son mérite d’accompagner et soigner le roi pendant son refuge à Ŭiju lors de la première invasion japonaise en 1592.

[2] Il était alors Grand compositeur au Cabinet des compositeurs (弘文館) et à l’Académie royale (藝文館) tout en étant Ministre (判書) au ministère des Fonctionnaires civils (吏曹).

 

 
 

Texte original

Traduction

37. 臣竊念, 大和[1]一散, 六氣不調, 癃殘扎瘥[2], 迭爲民災。

38. 則爲之醫藥以濟其夭死是實帝王仁政之先務。

39. 然術非書則不載。書非擇則不精。

40. 採不博則理不明。傳不廣則惠不布。

 

[1] Egalement dit t’aehwa 太和. Littéralement : « harmonie universelle ».

[2] 扎瘥 : il faut lire札瘥.

 

37. Son sujet se permet de réfléchir : aussitôt que l’harmonie universelle est dispersée, les Six souffles sont mal réglés, la sénilité et les maladies épidémiques sont alternativement des fléaux du peuple.

38. C’est pourquoi sauver le peuple de la mort prématurée par un traitement médical et des médicaments est véritablement le devoir prioritaire de la politique bienveillante des souverains.

39. Or, à propos de l’art, si ce n’est pas [par] l’écrit, on ne peut le consigner ; quant à l’écrit, si on ne choisit pas bien, [l’œuvre] ne sera pas excellente ;

40. Si on ne collecte pas largement [des références], les raisonnements ne seront pas clairs ; si l’ouvrage n’est pas diffusé amplement, les bienfaits ne seront pas répandus. 

 

 
 

Texte original

Traduction

41. 是書也, 該括古今, 折衷[1]群言, 探本窮源, 挈綱提要。

42. 詳而不至於蔓, 約而無所不包。

43. 始自內景外形, 分爲雜病諸方。

44. 以至脈訣症論, 藥性治法, 攝生要義, 鍼石[2]諸規, 靡不畢具, 井井不紊。

45. 卽病者雖千百其候, 而補瀉緩急泛應曲當[3]。

46. 蓋不必遠稽古籍, 近搜旁門。

47. 惟當按類尋方, 層見疊出。

48. 對證投劑, 如符左契。

49. 信醫家之寶鑑, 濟世之良法也。

[1] Littéralement : prend le juste milieu.

[2] Littéralement : aiguille de métal et poinçons de pierre.

[3] 曲當 : 完全恰當.

 

41. Quant à cet ouvrage, il comprend [tous les ouvrages] anciens et contemporains, synthétise de multiples théories, examine la racine et étudie à fond l’origine des choses, rapporte les principes et dégage l’essentiel.

42. Détaillé, mais il ne finit pas par jeter le trouble ; succinct, mais il n’est rien qu’il n’embrasse pas.

43. Commençant par les « luminescences intérieures » et les « formes extérieures », il classe de diverses maladies et de nombreuses recettes.

44. Jusqu’à la sphygmologie et la sémiologie, des propriétés des drogues et des traitements médicaux, les points essentiels pour soigner la vie et tous les principes de l’acupuncture, rien ne lui échappe. Il est structuré et ordonné.

45. Si bien que, quand bien même un malade a un millier de symptômes, [l’ouvrage] permet d’appliquer amplement et convenablement la tonification, la purgation, les méthodes lente ou urgente.

46. En général il n’est plus besoin ni de consulter de loin des livres anciens ni d’examiner de  proche des doctrines hétérodoxes. 

47. Seulement il suffit de suivre les classements et chercher les recettes ; celles-ci apparaissent maintes fois [dans cet ouvrage].

48. Comparer les symptômes et employer les remèdes se correspondent comme deux parties coupées d’un objet.

49. Il est assurément le miroir précieux des médecins et le bon moyen pour sauver le monde.

 

 
 

Texte original

Traduction

50. 是皆先王指授之妙算, 我聖上繼述之盛意。

51. 則其仁民愛物之德, 利用厚生之道, 可謂前後一揆。

52. 而中和 位育之治, 亶在於是。

53. 語曰 : 『仁人之用心。其利博哉』。

54. 豈不信然矣乎。

55. 萬曆辛亥孟夏。

 

50. C’est à la fois le plan merveilleux que le roi précédent nous a enseigné et une grande faveur dont Sa Majesté a hérité.

51. Ainsi, la vertu de traiter le peuple avec bonté et soigner les choses, et la voie de tirer parti et augmenter le bien-être peuvent être dites comme étant toujours identiques hier comme aujourd’hui.

52. La gouvernance qui rend le monde harmonieux et qui permet aux choses de se  trouver à leur place, aux êtres de se développer pleinement, c’est vraiment là.

53. Un adage dit : « Quand un homme de bien met tout son cœur, ses bienfaits se répandent au loin ».

54. Comment peut-on ne pas y croire ?   

55. Mallyŏk, année de sinhae (1611), début d’été. 

 

 
 

Traduction finale

Texte original

Traduction

東醫寶鑑 序

醫者雅言軒岐。軒岐上窮天紀下極人理。宜不屑乎記述,而猶且說問著難。垂法後世,則醫之有書厥惟遠哉。上自倉越,下逮劉張朱李,百家繼起。論說紛然。剽竊緖餘,爭立門戶。書益多而術益晦。其與靈樞本旨,不相逕庭者鮮矣。世之庸醫,不解窮理。或倍經訓而好自用,或泥故常而不知變。眩於裁擇,失其關鍵。求以活人而殺人者多矣。

我昭敬大王以理身之法,推濟衆之仁。留心醫學,軫念民瘼。嘗於丙申年間,召太醫臣許浚,敎曰 :『近見中朝方書,皆是抄集。庸瑣不足觀。爾宜裒聚諸方,輯成一書。且人之疾病,皆生於不善調攝。修養爲先,藥石次之。諸方浩繁,務擇其要。窮村僻巷,無醫藥而夭折者多。我國鄕藥多產,而人不能知。爾宜分類,竝書鄕名,使民易知』。

浚退與儒醫鄭碏,太醫楊禮壽,金應鐸,李命源,鄭禮男等,設局撰集。略成肯綮,値丁酉之亂。諸醫星散,事遂寢。厥後先王又敎許浚獨爲撰成。仍出內藏方書五百餘卷,以資考據。撰未半而龍馭賓天。至聖上位之三年庚戌,浚始卒業而投進。目之曰東醫寶鑑,書凡二十五卷。

上覽而嘉之,下敎曰 :『陽平君許浚,曾在先朝,特承撰集醫方之命,積年覃思。至於竄謫流離之中,不廢其功。今乃編帙以進。仍念先王命撰之書,告成於寡昧嗣服之後,予不勝悲感』。其賜浚太僕馬一匹,以酬其勞。速令內醫院設廳鋟梓,廣布中外。且命提調臣廷龜撰序文,弁之卷首。

臣竊念,大和[11]一散,六氣不調,癃殘扎瘥,迭爲民災。則爲之醫藥以濟其夭死是實帝王仁政之先務。然術非書則不載。書非擇則不精。採不博則理不明。傳不廣則惠不布。

是書也該括古今,折衷[12]群言,探本窮源,挈綱提要。詳而不至於蔓,約而無所不包。始自內景外形,分爲雜病諸方,以至脈訣症論,藥性治法,攝生要義,鍼石[13]諸規。靡不畢具,井井不紊。卽病者雖千百其候,而補瀉緩急泛應曲當[14]。蓋不必遠稽古籍,近搜旁門。惟當按類尋方,層見疊出。對證投劑,如符左契。信醫家之寶鑑,濟世之良法也。

是皆先王指授之妙算,我聖上繼述之盛意。則其仁民愛物之德,利用厚生之道,可謂前後一揆。而中和位育之治,亶在於是。語曰 :『仁人之用心。其利博哉』。豈不信然矣乎。萬曆辛亥孟夏。

Préface au Miroir du trésor de la médecine de l’Est

Les médecins parlent communément de Xuanyuan et du Comte Qi. Ces derniers ont, vers le haut, scruté les constellations, vers le bas, étudié à fond la raison humaine. Ils auraient négligé d’écrire mais, tout de même, répondirent à des questions et élucidèrent des difficultés. Leur art s’est transmis et c’est ainsi que des ouvrages médicaux existent depuis longtemps. Depuis Canggong et Qin Yueren jusqu’à Liu Hejian, Zhang Zihe, Zhu Danxi et Li Dongyuan, de multiples écoles se succédèrent et les théories sont nombreuses. Elles se plagièrent interminablement et se disputèrent pour établir des sectes. Les ouvrages sont de plus en plus nombreux, l’art est de plus en plus obscur. Du sens originel du Pivot merveilleusement efficace, ceux qui ne s’éloignent pas sont rares. Les médecins ordinaires d’aujourd’hui ne pénètrent pas les principes fondamentaux. Tantôt ils laissent de côté les instructions du Classique et préfèrent leur propres démarches, tantôt ils s’en tiennent strictement aux anciennes méthodes et ne savent pas s’adapter aux circonstances. Ils ne connaissent pas les bons choix et s’éloignent de l’essentiel. Il arrive ainsi souvent que, venant au secours, ils mettent fin à la vie des gens au lieu de la leur sauver.  

 

Notre feu vénérable grand roi estimait que cet art de soigner les corps était une vertu pouvant sauver le peuple. Il s’attachait à la médecine et avait pitié du peuple qui souffrait. Jadis, en l’année pyŏngsin (1596), il appela Hŏ Chun, médecin de la cour d’alors, et lui donna l’instruction suivante : « Les livres de médecine, chinois et coréens, récemment parus sont tous des recueils d’extraits. Ordinaires ou médiocres, ils ne présentent rien de remarquable. Vous devez réunir les remèdes et éditer un livre. Toutes les maladies de l’homme sont dues au fait qu’il n’entretient pas bien sa santé. La culture du soi doit précéder la pharmacothérapie et l’acupuncture. Le nombre de recettes étant acablant, il faudra sélectionner celles qui sont essentielles. Dans les villages délaissés et les ruelles écartées il n’y pas de médecin ni de médicaments et ceux qui meurent prématurément sont nombreux. Dans notre pays un grand nombre de simples vernaculaires et pourtant le peuple ne sait pas les reconnaître. Vous devez donc effectuer des classements et ajouter des noms vernaculaires de façon à permettre au peuple de les connaître facilement. »

 

Hŏ Chun, après s’être retiré, créa un bureau pour éditer le livre avec le médecin lettré Chŏng Chak et les médecins de Cour Yang Yesu, Kim Ùngt’ak, Yi Myŏngwŏn, Chŏng Yenam, etc. Quand les essentiels furent grosso modo établis, l’invasion japonaise éclata en l’année chŏngyu (1597). Les médecins se dispersèrent et la tâche fut interrompue. Après [que la situation a été rétablie], feu le roi ordonna à nouveau à Hŏ Chun d’éditer tout seul le livre. Il fit alors sortir plus de cinq cents ouvrages médicaux de la bibliothèque royale et lui permit ainsi de s’en servir pour vérifier. Le travail d’édition n’étant achevé qu’à moitié, feu le roi devint l’hôte du Ciel. A la troisième année, kyŏngsul, du règne de Sa Majesté (1610), Hŏ Chun a enfin fini et présenté le travail au trône. Il intitula « Miroir du trésor de la médecine de l’Est » l’ouvrage en 25 volumes.

 

Quand Sa Majesté le consulta il l’apprécia et lui donna l’instruction suivante: « Vous, Hŏ Chun, Seigneur de Yangp’yŏng, aviez reçu du règne précédent l’ordre spécial d’éditer des recettes médicales et effectué des études approfondies durant plusieurs années. Même réfugié et isolé à la frontière, vous n’avez pourtant pas abandonné la tâche. Aujourd’hui vous achevez enfin de l’éditer en plusieurs volumes et vous le présentez au trône. A la pensée que l’édition du livre ordonnée par feu le roi ne s’achève qu’après mon accession au trône, je suis pénétré d’une profonde tristesse ». Il récompensa alors ses efforts en lui offrant un cheval du Conseil des écuries et il donna tout de suite l’ordre à la Cour des médecins royaux d’établir un bureau pour l’imprimer et le diffuser dans la capitale et dans les provinces. Il ordonna également de me charger de rédiger une préface et de la placer en tête du livre.  

 

A mon humble avis, aussitôt que la Suprême harmonie est dispersée, les Six souffles sont mal réglés, l’homme est décrépi et affaibli par l’âge ou par diverses maladies, qui les unes après les autres sont des fléaux pour le peuple. C’est pourquoi sauver le peuple de la mort prématurée par un traitement médical et des médicaments est véritablement le devoir prioritaire de la politique bienveillante des souverains. Or, on ne peut consigner l’art [médical] si ce n’est dans un livre ; quant au livre, l’œuvre ne sera pas excellente si on ne choisit pas bien [des matières] ; les raisonnements ne seront pas clairs si on ne collecte pas largement [des références] ; les bienfaits ne seront pas répandus si le livre n’est pas diffusé amplement.

 

Quant à cet ouvrage, il comprend tous les ouvrages médicaux d’hier et d’aujourd’hui et il synthétise de multiples théories, il étudie la racine jusqu’à l’origine des choses, embrasse les principes et dégage l’essentiel. Détaillé, pour autant il ne part pas dans tous les sens ; succinct, mais il est complet. Commençant par les « luminescences intérieures » et les « formes extérieures », il classe les diverses maladies et les nombreux recettes. Jusqu’à la sphygmologie et la sémiologie, les propriétés des drogues et des traitements médicaux, les points essentiels pour soigner la santé et les principes de l’acupuncture, rien ne lui échappe. Il est [rédigé] de manière méthodique et ordonnée. Si bien que, quand bien même un malade aurait un millier de symptômes, il permet d’appliquer amplement et convenablement des méthodes thérapeutiques telles que la tonification, la purgation, les méthodes lente ou urgente. En général il n’est plus nécessaire ni de consulter des livres anciens ni d’examiner des doctrines récentes. Il suffit de chercher [dans cet ouvrage] les recettes suivant les classements pour en trouver plusieurs. Si on compare les symptômes et emploie les remèdes, ils se correspondent comme deux parties coupées d’un objet. Il est assurément le miroir précieux des médecins et le bon moyen pour sauver la société.

 

C’est à la fois le plan merveilleux que le roi précédent nous a enseigné et une grande faveur dont Sa Majesté a hérité. Ainsi, la vertu de traiter avec bonté les gens et épargner les objets, et la voie d’augmenter le bien-être peuvent être considérées comme toujours identiques hier comme aujourd’hui. Voilà une gouvernance qui rend le monde harmonieux et qui permet aux choses de se  trouver à leur place, aux êtres de se développer pleinement. Un adage dit : « Quand un homme de bien met tout son cœur, ses bienfaits se répandent au loin ». Comment peut-on ne pas y croire ?    

 
 

Autour du texte:

Academy of Korean studies Inalco Université Paris Diderot-Paris 7 EHESS